Risques psychosociaux et modèle territorial

La DGAFP(1) a publié le 21 février 2019 plusieurs études de la DARES(2) sur les Risques Psycho-Sociaux (RPS). Il en ressort que les agents publics restent toujours plus exposés aux RPS que les salariés du privé, que 5 facteurs RPS se dégradent dans la Fonction publique territoriale. Cette dégradation fait écho aux résultats d’une enquête commandée par l’Ugict-CGT sur les cadres.

Des augmentations alarmantes et annonçant de plus importantes encore à venir

Ces augmentations concernent :

  • La nécessité de travailler dans l’urgence  : + 2 %. Le phénomène touche 53.6 % des répondants à l’enquête contre 36.7 % dans le privé.
  • Le sentiment de ne pas pouvoir faire un travail de qualité : +4 %. Le phénomène touche 6 % des répondants contre 23.9 % dans le privé.
  • La charge de travail trop importante  : + 4 %. Le phénomène touche 6 % des répondants contre 24.6 % dans le privé.
  • Les tensions entre collègues : +2.5 %. Le phénomène touche 8 % des répondants contre 15.8 % dans le privé.
  • La crainte de se retrouver au chômage  : + 6 %. Le phénomène touche 5.8 % des répondants contre 4.8 % dans l’ensemble de la fonction publique.

Cette évolution inquiétante est le fruit de plusieurs causes. La principale d’entre-elles est la dégradation des conditions de travail sous l’effet des baisses de dotation. La dotation globale de fonctionnement (DGF), a ainsi baissé constamment durant le précédent quinquennat. Elle est passée de 41,5 milliards en 2013 à 30,8 milliards en 2017

La crainte de se retrouver au chômage est passée de 3.2 % des répondants à 5.8 %. Cette augmentation sérieuse est intervenue au moment même où les effectifs de la fonction publique territoriale (FPT) baissaient pour la 1ère fois de son histoire. En 2015, les effectifs de la FPT ont diminué de 1,3 %. En 2016, la FPT a perdu 3 500 agents (- 0,2 %) et autant de contrats aidés, soit une baisse totale de 0,4 %. En 2017, la baisse s’est poursuivie au même rythme. Ce mouvement s’amplifie avec la contractualisation, qui, de l’aveu même du chef de cabinet du secrétaire d’État Olivier Dussopt supprime mécaniquement de 10 000 à 13 000 postes chaque année.

La dégradation de ces indicateurs RPS mesurée par la DARES et publiée par la direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) s’applique à une période antérieure aux processus intervenus avec la mise en œuvre de la loi MAPTAM, de la loi NOTRe, de la révision des Schémas Départementaux de Coopération Intercommunale, de la contractualisation financière et de la loi fonction publique. Les prochaines mesures seront donc encore dégradées.

Une dégradation qui interroge les cadres, le management et le modèle organisationnel

Les thématiques qui apparaissent ici concernent plus particulièrement les cadres territoriaux soumis (comme les cadres d’autres secteurs professionnels) à l’absence de déconnexion, la pression temporelle, le travail empêché, les conflits éthiques, la dépossession…

Les résultats de la DARES et de la DGAFP font d’ailleurs écho à l’étude UGICT – SECAFI – Via Voice de mai 2018, intitulé « opinions et attentes des cadres ». 

En matière de hausse de la charge de travail, la Fonction publique est plus touchée que le secteur privé (64 % vs 61,2 %).

L’augmentation de la durée du temps de travail est également plus forte dans la Fonction publique par rapport au secteur privé (55 % vs 50,9 %).

L’instabilité des organisations et les réorganisations incessantes participent à la surcharge de travail. Dans la Fonction publique, le non-remplacement des départs en retraite et l’augmentation du nombre de missions nouvelles dans le cadre des réformes publiques participe au phénomène. Conséquence directe, la pression au travail rend plus difficile la prise de jours RTT.

Le niveau d’insatisfaction dans la fonction publique dépasse celui du secteur privé dans une fourchette comprise entre 10 et plus de 20 points sur ces deux critères :

  • charge de travail (67,6 % vs 52,1 %),
  • temps de travail réel (68,6 % vs 54,8 %)

70 % des cadres de la fonction publique considèrent ainsi que leur rémunération est en décalage avec leur implication (+15 points depuis 2015) ; 69 % qu’elle est en inadéquation avec leur temps de travail (+25 % points depuis 2015).

Dans la Fonction publique, le ressentiment sur l’évaluation est plus fort que dans le secteur privé : 63,3 % vs 58,7 % sur le manque de transparence  ; et encore plus fort sur les critères d’évaluation 76,7 % vs 64,2 %. Cela met en exergue le fait les cadres de la Fonction publique sont plus jugés sur leur capacité à porter la stratégie des réformes plutôt que sur leur valeur professionnelle.

La détérioration des pratiques managériales est plus sensible dans la fonction publique par rapport au secteur privé (48 % vs 41,8 %).

Le management actuel pousse donc à une « dépossession » accrue des attributions dévolues normalement aux cadres.

Cette « dépossession » est plus forte dans la Fonction publique que le secteur privé (82,7 % vs 67,7 %).

Les cadres de la fonction publique sont davantage confrontés aux conflits éthiques. L’éthique professionnelle est davantage mise à mal dans la Fonction publique que dans le secteur privé 57,7 % vs 51,3 %.

Cette situation interroge le management territorial et son modèle organisationnel. Les RPS sont ici révélateurs de la crise du modèle territorial.

 

(1) : Direction Générale de l’Administration et de la Fonction Publique

(2) : Direction de l’Animation de la recherche et des Etudes Statistiques du Ministère du Travail

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