Au-delà d’un changement de nom -déjà discutable- de l’opérateur, la loi « plein emploi » vient modifier non seulement l’organisation du service public de l’emploi mais également les droits des privé.es d’emploi : allocataires du RSA et leur conjoint, l’allocation adulte handicapé, anciens bénéficiaires d’un projet personnalisé de scolarisation de la MDPH, allocataires de l’assurance chômage, etc. Les travailleur.ses privé.es d’emploi pourraient être contraint.es d’accepter à peu près n’importe quels ateliers d’aide à la recherche d’emploi, prestations externes d’accompagnement voire, et ce jusqu’à un emploi qui leur serait proposé, une rémunération faible (voire inexistante dans le cadre du RSA) et des conditions de travail dégradées, sous peine de sanction.
Les salarié.es en activité pourraient voir arriver de nouveaux collègues, peut-être aux mêmes postes mais moins bien rémunérés et moins protégés. Rapidement, ils n’auront plus de marge de manœuvre pour des négociations salariales puisque l’employeur aura la possibilité de “piocher de la main d’œuvre à faible coût” dans le « Réseau pour l’Emploi » sans n’avoir aucune responsabilité envers ces « autres » travailleurs et travailleuses puisque non salarié.es.
L’organisation du « Réseau pour l’emploi »
France Travail est aussi la porte d’entrée unique du Réseau pour l’Emploi puisque tous les privé.es d’emploi ont dorénavant l’obligation de s’y inscrire. France Travail organise désormais tous les opérateurs du service public de l’emploi.
Le « réseau » rassemble l’ensemble des organismes chargés de l’emploi et de l’insertion, dans une logique de répartition des publics. Cette nouvelle organisation comprend : l’opérateur France Travail (ex Pôle Emploi), les départements, les missions locales, les organismes référents en matière de handicap (dont Cap Emploi) mais aussi tout autre organisme privé ou public fournissant des services en lien avec l’insertion, la formation et l’accompagnement à l’emploi (et notamment les Opérateurs Privés de Placement et les Agences d’Intérim).
La gouvernance de ce réseau, laissé au futur comité national du Réseau pour l’emploi, sera composée de 46 membres laissant une place minime aux organisations syndicales.
Les changements à venir pour les privé.es d’emploi
Depuis le 1er janvier 2025, sont inscrit.es automatiquement sur la liste des demandeur.ses d’emploi :
- les personnes en recherche d’emploi qui demandent leur inscription ;
- les bénéficiaires du RSA en tant que ménage (conjoints, concubins ou partenaires liés par un pacte civil de solidarité) ;
- les personnes accompagnées par les missions locales ;
- toute personne accompagnée par des organismes d’insertion professionnelle des personnes en situation de handicap ou ayant la Reconnaissance de la Qualité de Travailleur Handicapé (RQTH) ;
Ce public est lié à France Travail via le nouveau Contrat d’Engagement. En cas de nonrespect des devoirs prévus par le Contrat d’Engagement, les allocataires du RSA, les allocataires de l’assurance chômage ou les jeunes accompagnés par les missions locales peuvent voir leurs droits suspendus.
Ces mesures ont été généralisées au 1er janvier 2025, mais nombre de personnes sont déjà assujetties à ces nouvelles règles. En effet, par un jeu de conventionnement entre départements, régions et Etat, 18 expérimentations ont déjà mis en œuvre ces dispositions depuis 2023. Elles n’ont d’ailleurs d’expérimentations que le nom puisque qu’aucune évaluation n’était prévue afin de revenir sur ce dispositif s’il s’avère inefficace.
Une attaque généralisée contre les travailleur.seuses, privé.es d’emploi et la protection sociale
Toutes ces mesures confirment la défiance du gouvernement et de la majorité à l’encontre des plus précaires. Cette loi remet en question notre système de protection sociale. Qu’il s’agisse de système de solidarité ou d’assurance, la loi « plein emploi » vient bafouer les principes même de ces dispositifs d’assistance pour l’un et d’assurance pour l’autre.
Concernant le conditionnement d’allocations de solidarité, le préambule de la Constitution place symboliquement comme droit fondamental premier le principe de sauvegarde de la dignité humaine qui implique de garantir à chacun.e le droit de vivre dignement, ce qui suppose de percevoir de la part de la puissance publique les ressources minimales en cas d’impossibilité ou d’incapacité de les obtenir par le travail. Le principe de fraternité prend, par ailleurs, la forme d’une obligation de solidarité à l’égard des personnes qui se trouvent privées des moyens de subsistance.
Rappelons que le niveau du RSA est proche aujourd’hui de la moitié du seuil de pauvreté.
Il est d’une nécessité de subsistance minimale et son conditionnement impliquera une augmentation de la pauvreté notamment pour les personnes en incapacité de travailler (garde d’enfant, proche aidant, difficultés personnelles…).
En ce qui concerne le conditionnement du droit à l’allocation chômage (qui ne couvre qu’un inscrit sur trois), le mécanisme est tout aussi aberrant. Même pour disposer de droits pour lesquels les travailleurs.euses ont cotisé, ils devront réaliser un minimum de 15h d’activité obligatoires par semaine.
In fine cette loi est une attaque contre le système de protection sociale. Elle permet au gouvernement de fournir directement au patronat de la main d’œuvre à moindre coût mais également d’instaurer un flou entre les différents mécanismes de protection sociale les rendant encore moins lisibles et accessibles.
Le recours accru à des opérateurs privés est une attaque contre le caractère public du service d’aide et d’accompagnement à l’emploi. Mais la loi « plein emploi », constitue une attaque beaucoup plus large notamment pour toutes et tous les salarié.es ;
D’abord, les salarié.es de tous les opérateurs du « Réseau pour l’Emploi » pour qui cette loi dévoie le sens même du service public de l’emploi et de l’accompagnement. Ce vaste système déshumanise les privé.es d’emploi mais également les agents de l’autre côté du guichet.
Ces personnels qui ont à cœur, l’accompagnement, l’accès aux droits, la protection sociale dans son ensemble sont transformés en gendarmes chargés de contrôler les inscrits et allocataires.
Les agents de France Travail, salarié.es des missions locales, prestataires privés, ont tous pour mission de contrôler le respect des 15h minimum d’activité obligatoires.
Plus globalement tous.tes les salarié.es des entreprises et secteurs qui auront recours à l’emploi d’inscrit.es à France Travail se retrouveront lésé.es. La pression mise par ce système pousse les travailleur.ses privé.es d’emploi à accepter des emplois dégradés en termes de salaires, de temps de travail, de conditions d’emploi. Les activités (hebdomadaires) obligatoires pourraient être en concurrence avec des emplois rémunérés.
Depuis, Gabriel Attal dans son discours de politique générale du 30 janvier a annoncé de nouvelles attaques : suppression de l’ASS (allocation spécifique de solidarité) et nouvelle réforme de l’assurance chômage. Le même jour, Mediapart a révélé les études secrètes demandées à la DARES par le gouvernement pour évaluer ces nouvelles réformes à la baisse : elles sont désastreuses.
Sur tous les lieux de travail, publics et privés, la CGT appelle toutes ses organisations, et plus généralement les salarié.es et agent.es public.ques, à la vigilance pour défendre les travailleur.ses privé.es d’emploi, contraints aux 15 heures d’activité, pour défendre leurs droits, et empêcher le dumping social, par exemple en faisant requalifier les activités en contrat de travail.