PHOTO VALERIE FARINE
L’usine Fibre Excellence de Tarascon a entamé vendredi 25 septembre devant le tribunal de commerce de Toulouse la procédure de dépôt de bilan. Depuis plusieurs jours, un conflit salarial oppose les salariés et la direction de l’usine de pâte à papier. La société canadienne (elle-même détenue par Jackson Widjaja, dont la famille dirige Asia Pulp and Paper, un géant indonésien de la papeterie mondiale) souhaitait notamment baisser les salaires arguant de difficultés financières.
289 emplois sont concernés à l’usine dans le bassin d’emploi de Beaucaire-Tarascon. Les exploitants forestiers et les scieurs sont eux aussi très inquiets car l’usine de Tarascon était l’unique débouché pour les bois de qualité moyenne du sud-est de la France. La filière bois représente 3.000 emplois dans les forêts.
« Les risques de cessation de paiements sont élevés » a alerté Nathalie Donnadieu, la présidente de la fédération nationale du bois Gard-Lozère,
La fermeture de cette usine serait un tsunami économique, social et écologique pour nos régions.
Le site industriel de pâte à papier doit aussi faire face à un contexte judiciaro-sanitaire délicat. Sa direction devait en effet comparaître mardi 22 septembre pour des émissions de substances polluantes et non-conformité d’installation classée ou d’équipements.
L’usine est en effet accusée depuis plusieurs années d’émettre de nombreux polluants atmosphériques avec des composants considérés aujourd’hui comme très dangereux : soufre, benzène et certains métaux lourds, sans compter les particules fines, PM10.
C’est la fameuse odeur de « choux pourri » que l’on ressent en traversant le Rhône à Tarascon par vent de sud.
Prévu pour durer une matinée, le procès a finalement été reporté au 6 janvier 2021 après les demandes des trois avocats de parties civiles, souhaitant « un supplément d’information », en pointant un « dossier incomplet », et notamment l’absence de « deux pièces essentielles ».
Pourtant les salariés croient en leur outil de travail :
Il y a beaucoup de boulot et un travail de transition se fait sur de la pâte à papier dite bio qui pourra servir pour les emballages.
Ils évoquent également un « gros projet de production électrique, avec un cofinancement possible de l’État. Ils sont dans l’attente de réponses de sa part.
Aux dernières nouvelles la direction de l’usine a annoncé qu’elle déposait une déclaration de cessation de paiements auprès du tribunal de commerce de Toulouse.
De son côté, le ministère de l’Industrie s’est engagé à soutenir l’activité du site pendant une période de transition, tout en cherchant un repreneur et en favorisant l’installation d’une turbine qui permettrait à l’usine de devenir producteur d’électricité.
La problématique de l’usine Fibre Excellence comme pour nombre de sites industriels, balance entre le monde d’avant la pandémie, guidé par la finance internationale et le profit à court terme, et le monde d’après, qui peine à advenir et qui devrait relocaliser les productions industriels stratégiques dont la pate à papier fait partie, et les limiter à des besoins n’aggravant pas la crise climatique.
Pendant ce temps, le gouvernement, au motif du plan de relance, propose de somptueux cadeaux aux grandes entreprises :
100 milliard d’exonérations de cotisations et de baisse d’impôt supplémentaires, la possibilité de remettre en cause le temps de travail, les niveaux de salaire…
Comme pour le confirmer, l’encre du plan de relance gouvernemental à peine sèche, au prétexte de la crise sanitaire, une aubaine, les projets de restructurations, de délocalisations et de fermetures de sites industriels se multiplient comme ici à Tarascon.
Cette situation ressemble à s’y méprendre à celle, par exemple, de la papeterie de la Chapelle Darblay en Normandie. Cette dernière était en pointe dans le processus de recyclage et de la production de papier. L’usine, qui dégageait pourtant des bénéfices, est aujourd’hui en vente et les 288 salariés qui la faisaient vivre licenciés. Le Groupe UPM qui exploite plusieurs sites en Europes a décidé de transférer sa production sur l’un d’eux en Angleterre.